Ce qui n’était au départ qu’une pauvre excuse pour contrer la colère parentale devient un bobard poético-ésotérique monumental. Car Elsie  se laisse entraîner  par son imagination. Elle décrit avec moult détails à sa mère et sa tante, ravies, les fées «  fines et délicates », « le battement de leurs ailes transparentes et cousues d’or », leurs habits « en mousseline, rose clair et vert pâle », le justaucorps vert pomme et le chapeau pointu des lutins. Mais maintenant, son public conquis exige des preuves ! Seul le père d’Elsie garde la tête froide et lève les yeux au ciel devant les affabulations sans fin de Frances et la naïveté des mères.

Pourtant, il va malgré lui contribuer au canular des gamines, en leur prêtant son appareil photo. Elsie et Frances décident d’immortaliser des fées sur la pellicule. Des dessins de fées découpés dans des livres, des épingles à chapeau pour les mettre en scène dans le paysage, le tour est joué. Leurs clichés intitulés « Frances et les fées », « Elsie et une fée » font l’unanimité. La mère d’Elsie est si impressionnée par ces images que pour la seule et unique fois de sa vie, elle en oublie de préparer le five o'clock tea, preuve irréfutable que quelque chose de grave se passe pour une Anglaise.

Alors qu’Elsie voulait juste distraire sa cousine et manifester son don artistique, le public décide de voir dans ses photomontages un travail de reporter. Le quiproquo dure assez longtemps pour passionner la très fumeuse Société théosophique fondée à New York en 1875 par des savant persuadés de l’existence de mondes parallèles mais aussi le très respecté Sir Athur Conan Doyle, créateur de Sherlock Holmes.

L’histoire d’Elsie et Frances est véridique et célèbre dans les pays anglo-saxons, au même titre que le monstre du Loch Ness. On peut visiter, au fin fond du Yorkshire, un musée où sont exposées leurs photos de fées. Des films avec les stars Peter O’Toole et Harvey Keitel, ou Ben Kingsley, leur ont été consacrés. Ce joli roman, avec de nombreux documents en annexe, démontre le pouvoir de l’art et de la fiction. Car Si Elsie a joué le jeu, c’est parce qu’elle a compris très vite que la foi en l’existence des fées était le seul moyen pour sa cousine, sa mère et tous ceux qui ont bien voulu y croire, d’oublier l’horreur de la guerre.