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La chronique de Rémi dans Enfantillages !

Mon livre préféré
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27 novembre 2019

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Essai

Le Théorème du parapluie ou l’art d’observer le monde dans le bon sens

de Mickaël LAUNAY, illustré par Chloé BOUCHAOUR (FLAMMARION).

Mon livre préféré Enfantillages
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Le livre s’ouvre par un constat étonnant de la part du célèbre vulgarisateur. « Depuis mon cours élémentaire, confesse l’ancien élève de Normale Sup’ auteur d’une thèse en probabilités, il ne s’est pas passé une année de ma vie sans que je réalise que je pensais de travers des choses que je croyais bien savoir ».

On avait adoré Le Grand Roman des maths et le polar de L’Affaire Olympia, sur les traces du mathématicien Poincaré. Voici un livre qui remet en cause nos certitudes et veut nous « apprendre à regarder différemment ce que nous croyons déjà bien connaître ».

C’est une vraie aventure, où les nombres sont « des idées, des objets imaginaires dont nous nous servons comme intermédiaires de pensée ». Que ceux qui voient les maths comme une glaciale et rationnelle science exacte se détrompent ! C’est, dit le logicien Bertrand Russel, «  la discipline dans laquelle on ne sait jamais de quoi on parle, ni si ce que l’on dit est vrai ».

Pour Mickaël LAUNAY, « faire des mathématiques, c’est entrer dans les coulisses du monde ». Mais attention, si le spectacle est éblouissant, il est aussi perturbant, car il  «  défie nos sens et notre intuition ». Et il implique de renoncer à ce qu’on pensait définitivement acquis pour se jeter dans l’inconnu. C’est ce qu’ont fait tous ceux qui ont révolutionné notre compréhension du monde en faisant progresser la science.

Pour se déplacer sans être mouillé, on utilise un parapluie. Eh bien, face à une question sans réponse, l’invention d’un parapluie s’impose. C’est « le changement de point de vue, c’est le décalage, c’est l’art de faire un pas de côté pour voir les choses sous un autre angle, plus adapté et plus efficace ». Le grand savant est celui qui invente le bon parapluie au bon moment, «  sans peurs, ni hontes, ni préjugés ». « Il ne faut pas craindre les ruptures, voilà la sagesse des parapluies ».

Première étape : abandonner les constructions numériques préfabriquées, oublier nos connaissances et nos biais culturels pour retrouver notre sens premier des quantités. D’instinct, notre pensée est multiplicative et non additive.  Penser en ordre de grandeur : voilà la marche à suivre. C’est ce que fait l’échelle de Richter, utilisée pour les tremblements de terre. Une unité y correspond dans la réalité à une multiplication par dix d’un séisme : une secousse de magnitude 7 tremble dix fois plus qu’une secousse de magnitude 6.

LAUNAY nous fait voyager dans le temps et dans l’espace. Du Moyen-Orient, à Nippur, où dans l’Antiquité, sans utiliser de zéro ni de virgule,  les élèves écrivaient à la pointe du calame, sur des tablettes d’argile, des opérations pourtant tout à fait justes. Jusqu’à l’Ecosse du XVIe siècle, où John Napier réussit le prodige de transformer les multiplications en additions grâce aux tables de logarithmes. Puis direction la France et la Californie où, au XXe siècle, Benoît Mandelbrot invente une nouvelle classe d’objets mathématiques, des  «  figures à la fois si belles et si mystérieuses », les fractales. Oui, on peut dire que les côtes de Grande-Bretagne ont une longueur infinie. Et on comprend pourquoi les seigneurs du golfe de Tunis se sont laissé prendre à leur propre piège quand ils ont accordé à Didon un terrain aussi grand que ce que pourra entourer la peau d’un bœuf, c’est-à-dire un espace ridiculement petit dans leur esprit : la princesse phénicienne a réussi à y enfermer un territoire suffisant à la création de Carthage, vaste de 4 km2 !

 « Comment être sûr de ce que l’on sait ? », poursuit l’auteur. «  Est-il possible d’atteindre le point de certitude où plus aucune faille n’est possible ? 

Les frontières marquées par les mots sont, on le sait, artificielles et floues. Il existe d’ailleurs des langues vleubertes où un seul mot désigne à la fois le bleu et le vert. Les Papous Berinmos en ont un et seulement un pour signifier le violet, le vert et le bleu et un autre pour évoquer le jaune, l’orange et un certain vert. Est-il possible que des quiproquos existent aussi en mathématiques ?

Pour le savoir et pour introduire la star des formules, E = mc², Mickaël Launay interpelle le lecteur : vous, là, qui me lisez, à quelle vitesse allez-vous ? Vous êtes assis sans bouger et pourtant, lecteur, votre immobilité est toute relative ! Elle est même indistinguable de la vitesse. « C’est une différence de perception subjective qu’aucune expérience ne peut mettre en évidence ». Puisqu’elle parcourt chaque année son orbite à la vitesse de 30 km/s, il n’est d’ailleurs pas faux de dire que la Terre est un train comme les autres !  Tout est relatif, on vous dit, la vitesse, l’immobilité et même la position et la simultanéité. Impossible dès lors de certifier que deux événements se sont produits au même moment (car chacun a sa propre géométrie du temps).              

Le voyage s’achève avec la toute première photographie d’un trou noir, prise le 10 avril 2019. Elle est l’occasion de nous montrer qu’on vieillit moins vite au niveau de la mer qu’au sommet d’une montagne. C’est dû à la distorsion du temps à proximité des astres massifs, y compris la Terre. Les GPS prennent en compte cette relativité temporelle. Sinon il y aurait des écarts de plusieurs kilomètres dans nos positions.        

C’est prodigieux et vertigineux. Les questions à venir et les réponses à trouver sont infinies. « Que reste-t-il à comprendre dans ce monde que personne n’a encore compris faute d’avoir eu l’idée ? », interroge pour finir l’auteur. Avant de répondre, rassurant :

«  N’ayons pas peur des choses que nous ignorons, elles sont nos plus beaux projets ».

      

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(par ordre chronologique de mes chroniques, cliquez pour lire/écouter ou faites défiler l'onglet " Mon livre préféré " dans le menu : attention, contenu réservé à mes abonnés ! ). 

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