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Les coups de cœur d' Enfantillages !

Tout nouveau tout beau

Mai 2021

Et aussi sur anchor, apple podcast, spotify etc

la beauté sauvera-t-elle le monde ? ouvrons grands les yeux !

Retrouvez la chronique de Rémi Mon livre préféré sur Kilan d'Yves TROTTIER (KENNES).

Il

Album

Des pinceaux pour Frida

De Véronique MASSENOT, illustré par Elise MANSOT, éditions L'ELAN VERT,  dès 6 ans.

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Une femme au regard de feu, monosourcil vigoureux, lèvres laquées de rouges et fier visage cadré de nattes noires, c’est Frida Kahlo, artiste et muse qui signa plus de cinquante autoportraits, si iconique qu’une poupée Barbie existe à sa ressemblance. A 18 ans, l’élève brillante qui ambitionne de devenir médecin se trouve au mauvais moment au mauvais endroit. Un bus, un tramway, leur collision et au milieu, le corps de Frida, transpercé par une barre de fer. Frida est désormais coincée dans son lit, sa colonne brisée emprisonnée dans un corset. Son Autoportrait aux singes sert ici de fil rouge. Jaune d’or des meubles, vert vif des cactus, rouge sang du ruban dans ses cheveux, la maison bleue où elle a vu le jour explose de couleurs. Mais parfois, la douleur est si vive que la casa azul lui semble repeinte de noir. Diego Rivera est sorti. Au rythme d’une entêtante comptine mexicaine, Caimito,  son petit singe domestique réunit pour elle une toile, des fruits, « des pinceaux de toutes les tailles, et de la couleur en pagaille ». Frida peint et son art, si direct et énigmatique à la fois, nous attire irrésistiblement.

Roman

Parler comme tu respires

D'Isabelle PANDAZOPOULOS, éditions RAGEOT, dès 14 ans.

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Le premier jour du CP, Sibylle est devenue malade des mots. Pour la première fois, elle a bégayé, incapable d’articuler son nom aussitôt raccourci par les autres en Sissi, ce cruche prénom de princesse en crinoline. Quand elle parle, la bouche pleine de cailloux, c’est comme si elle était traversée de phrases, de mots qui ne lui appartiennent pas, comme si «  quelqu’un à l’intérieur » en savait plus qu’elle-même. Les autres sont gênés, impatientés. Leurs regards fuient ou s’enfoncent dans sa chair comme des couteaux. Elle est un GIF à elle toute seule, indéfiniment bloquée sur la touche rewind.

Ses parents ont accusé le déménagement. Mais une armée de psys et orthophonistes ont échoué à percer le mystère. Pourtant Sibylle le sent, « il y autre chose », qui lui échappe « et c’est comme un cauchemar sans fin ». Il y a ce prénom, Pablo, qui surgit dans la bouche de sa grand-mère à la dérive, il y a la dépression jamais guérie de sa mère, il y a tous ces non-dits. Le trompe-l’œil commence à se fissurer vraiment après le brevet. Normale sup’, Science Po, la voie royale s’ouvre à cette bonne élève. Pourtant, elle sent en elle « une force de titan »,  qui l’aide à affirmer qu’elle ne sera pas « cette fille merveilleuse qui comblerait les attentes de ses parents et les consolerait de leurs chagrins ». Ses parents si gentils, a-t-elle vraiment quelque chose à leur reprocher, eux qui « ont réussi à faire de son enfance cabossée un petit paradis » ? A chaque voyage à Paris, ils l’ont emmenée, comme elle le désirait, au musée Rodin, voir et revoir encore cette Porte de l’Enfer monumentale qui dit si bien les « corps enchevêtrés, soumis à des supplices éternels, en proie à des passions funestes », comme si enfin, « on avait le droit de faire une place aux chagrins ». C’est quand Notre-Dame brûle que Sibylle a la révélation : elle sera, non pas sculptrice comme Rodin, mais tailleuse de pierres. La suite est son parcours vers ce lycée paumé des Vosges où d’autres, comme elle, ont convergé de partout, comme aimantés par un appel émis depuis la nuit des temps. Des taiseux, des pierreux, tous unis par un secret, un chagrin, un silence envahissant « qui pèse lourd et qu’on traîne », qu’on traque dans cette matière brute qui résiste, et qu’on s’écorche les mains à polir. Tant pis pour la corne sur les paumes ! « C’est fou le bien que ça fait d’être là où on doit être. De se sentir à sa place. Et d’aimer ce qu’on fait ». Isabelle Pandazopoulos excelle à peindre la naissance d’une artiste. D’une plume précise, elle peint les parents perduss, la vie qui s’écoule désinvolte, égoïste, têtue, et dissèque les ressorts secrets de nos obsessions.

* Retrouvez l'interview #33 d'Isabelle Pandazopoulos dans Enfantillages

Documentaire

Planète microbes

De Muriel ZURCHER, avec Monica SALA, illustré par Nicolas ANDRE, Questions Réponses, NATHAN, dès 7 ans.

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Documentaire

Mon petit monde

D'Emmanuelle HOUSSAIS, éditions du RICOCHET, dès 3  ans. 

Ils sont partout autour de nous, sur nous et en nous, et ils sont des milliards. Les virus font les gros titres mais les champignons, les bactéries, les parasites sont là aussi, à se battre, tous, pour leur survie. Certains se reproduisent tous les quarts d’heure. Faut-il en avoir peur ? Seulement de ceux qui peuvent nous rendre malades. La plupart sont inoffensifs, voire super utiles car sans eux, ni pain, ni vin, ni fromage… A l’heure où l’un d’entre eux, le coronavirus SARS-CoV-2 met au pas la planète entière, le documentaire de Muriel Zürcher explique tout clairement, avec les chercheurs de l’institut Pasteur. Emmanuelle Houssais pose elle un regard poétique sur ces pionniers de la vie sur Terre qui ont traversé la grande aventure de l’Evolution depuis leur apparition il y a 3.5 milliards d’années. Comme dit Sain-Ex, l’essentiel est invisible pour les yeux. Et ces créatures microscopiques, plus nombreuses que les étoiles dans notre galaxie, nous accompagnent toute notre vie. Avec leurs noms de héros antiques, Nitrosomonas, Alistipes, Ruminococcus, elles en « accomplissent des exploits : nourrir, camoufler, éclairer, guérir, protéger », débusquer l’ennemi. De quoi calmer la surenchère anxiogène…

Roman

Kaimyô le nom des morts - Les Papillons de Kobé

De Bertrand PUARD, éditions GULF STREAM, dès 12 ans.

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Un petit garçon de cinq ans, près d’un parterre de coquelicots, ses parents sont enlevés par des inconnus et disparaissent sous ses yeux,. Le même, quarante-sept ans plus tard. Il s’appelle Tanizaki Rieko, et débarque à Paris, avec la ferme intention d’y ouvrir la première filiale européenne de sa florissante entreprise. En bon Japonais, l’homme coton-tige, ainsi surnommé du fait de sa silhouette sèche à l'épaisse crinière blanche, a tout préparé au millimètre près. Cinq ans de cours particuliers pour maîtriser toutes les subtilités de notre langue et le repérage à distance de ses futurs locaux, à Tolbiac. Mais sa rencontre avec Madame Rosa, la concierge à l’humeur de bouledogue si couleur locale et Nouria, sa petite-fille aux yeux magnétiques, fait tout dérailler. Précisons que le business du Nippon est un peu spécial.  Il enquête sur les défunts partis en catimini, dans l’indifférence générale, « que leur mort soit naturelle, accidentelle ou bien… même criminelle »,  et reconstitue le puzzle de leur vie, afin que leur âme soit en paix. De quoi harponner  Nouria. L’ado parisienne, illico auto proclamée assistante de l’étrange étranger dans ses pérégrinations mortuaires, se révèle vite être une surdouée médiumnique. Et le lecteur, scotché, veut lire sans tarder les nombreux  tomes que le chiffre 1 écrit sur la couverture nous promet. Car le mystérieux duo de Sherlock des macchabées est décrit avec brio et humour par un narrateur érudit, fin connaisseur du Japon et de la littérature. Il saupoudre d'ailleurs son récit de clins d’œil. Pour ne citer qu’eux, le personnage principal est le sosie du Professeur Rado, personnage de son homonyme, le grand auteur Tanizaki. Madame Rosa évoque immanquablement Signoret, qui incarnait sur grand écran l’ancienne prostituée au grand cœur de Romain Gary. Enquête haletante, livre dans le livre, ironie et style, ce polar métaphysique est une parfaite réussite et sa lecture aux multiples niveaux diablement addictive.

Album

Où se cache ma fille ?

D'Iwona CHMIELEWSKA, traduit du poloanis par Lydia WALERYSZAK, éditions FORMAT, dès 5  ans.

Où se cache ma fille ? L’enfant est-elle gaie comme cette armoire regorgeant de splendeurs en dentelle fleurie ? Est-elle calme, forte, tendre, amicale ? Ou bien triste, vulnérable, tonitruante ? Gare à ceux qui se satisfont de l’écume des choses. Ce livre cousu de patchworks et de collages nous invite à voir, au sens propre, les points de couture, les doublures, les revers mais aussi, plus profondément, ce qui se cache sous les apparences. Ainsi, cette fillette qu’on finit par apercevoir à la toute fin de l’album, est-il indispensable de lui coller une étiquette ? Est-elle si différente ou bien est-ce nous qui craignons ce que nous voyons de nous en elle ? Par petites touches délicates et poétiques, extraites du quotidien par le concours de la métaphore animale, ce bel album nous invite à rafraîchir notre regard sur le handicap et sur le monde, en général.

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Album

Animal - Le Jour où je suis devenu loup

D'Amélie GRAUX, éditions LITTLE URBAN, dès 3 ans.

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A l’heure où les classes prépa planchent sur le dire animal, Simon aussi se pose les grandes questions. « Etre sauvage, être libre », qu’est-ce que ça veut dire quand on doit obéir à tout le monde « sous prétexte qu’on est un enfant » mais aussi, info sourcée par l’école, que grosso modo, on est un cousin des singes, cette sympathique espèce qui mange avec ses pieds. Et puisque sœurette lui serine qu’il est bête, pourquoi ne pas en devenir une pour de vrai, de bête ? Se sentant « loup jusqu’au bout des griffes », Simon se fait la belle et part vivre dans la forêt vierge. Mais le canis lupus n’est-il pas un animal de meute ? On voyage en immersion dans la tête d’un petit d’homme, partagé entre désir d’émancipation et goût immodéré pour les bisous magiques de maman.

Album

Quel tableau !

De Julien COUTY, éditions ROUERGUE, dès 6 ans.

« Un bon croquis vaut mieux qu’in bon discours ». Apocryphe ou pas, cette citation du très célébré et très controversé Bonaparte s’impose ici. Dans un monde sans pandémie, père et fils s’en vont au musée. Et là, catastrophe ! Les animaux ont déserté les toiles du Douanier Rousseau, la muse et ses artistes déjeunent certes sur l’herbe mais dans un décor de béton, les Nymphéas de Monet sont asphyxiés par les bouteilles en plastique. Trop de fumée, trop de déchets, trop chaud, trop froid, trop sec… « Non mais, tu as vu ça ? ». Mona Lisa, la Jeune fille à la perle et Van Gogh nous fixent sans un mot mais leurs regards en disent long. « Trop c’est trop… il va falloir sérieusement se reprendre en main » ! Paraphrasant Baudelaire, tu m’as donné ton or et j’en ai fait de la boue, a-t-on envie d’avouer à tous ces artistes témoins émerveillés de la beauté du monde.  Ce petit album tout en trait aérien et fragile aquarelle ne nous fait pas la morale mais dresse devant nos yeux interdits le constat désolé de notre gabegie.

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