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Quand un très grand auteur pour la jeunesse, Sir Michael Morpugo, revisite un chef d’œuvre de la littérature, cela donne Les Voyages extraordinaires d’Omar. Evidemment, l’écrivain contemporain opère des transpositions et des coupes par rapport aux Voyages de Gulliver de Swift. Pas de Laputa, ni de considérations philosophiques, scientifiques et métaphysiques. L’intrigue est resserrée sur Lilliput, cette île peuplée d’humains minuscules. Et surtout, le personnage principal n’est plus un adulte chargé de famille, chirurgien de marine du début du XVIIIe siècle, mais un ado migrant de nos jours.

Le livre est construit sur une succession de récits enchâssés. On commence par celui d’Omar, sommé de raconter son histoire à l’inconnue qui l’a secouru en pleine mer, au tout début du roman. Son histoire, qui s’étend sur six ans, est à la fois unique et exemplaire. Unique parce que Michael Morpugo la fait rapidement bifurquer vers la fable, mais aussi exemplaire parce que semblable, au départ, à celle de milliers de terriens, Afghans comme lui, Syriens ou venus de tous ces pays du Sud embrasés, à avoir fui la guerre, la misère et les persécutions. Une famille modeste mais unie, un père berger, l’école et le cricket : « nous étions heureux », se rappelle sobrement le jeune homme. Mais l’horreur a frappé le jour de son dixième anniversaire, les bombardements aériens fauchant en même temps son père et sa petite sœur. L’enfant et sa mère, seuls survivants, se retrouvent réfugiés dans un camp où des humanitaires enseignent à Omar quelques bribes d’anglais.

Ils rejoignent la cohorte de ceux qui partent, avec une seule idée en tête : trouver un endroit en paix, si Dieu veut… Les bijoux de famille ne suffisent pas à payer le voyage pour deux selon les passeurs cupides. Alors Omar embarque seul sur le canot pneumatique bondé. Il voit l’image de sa mère, restée sur le rivage, rapetisser sous yeux. Il se récite sa supplique, au moment des adieux : « Souris pour moi, pour que je me souvienne de toi comme ça ». Mais le voyage en mer tourne court, le frêle esquif n’est pas de taille à affronter la tempête. Il prend l’eau, éjectant un à un ses habitants. Omar, se retrouve seul, abandonné à l’obscurité et au froid.

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L’art de Michael Morpugo est de transfigurer, par son écriture, par son art de conteur, les reportages télévisuels cent fois vus au point de ne plus nous forcer à renoncer à notre indifférence. Sous sa plume, le voyage d’Omar devient une odyssée, avec comme phare non pas l’Ithaque d’Ulysse mais le café d’oncle Saïd à Fore Street, Mevagissey. L’ado n’a de son parent qu’une image floue et pixélisée, aperçue sur Skype, mais c’est lui qu’il lui faut à tout prix retrouver, en Angleterre, pour fonder une nouvelle vie, en attendant la venue de sa mère.

Pourtant, on s’en doute, comme celui d’Ulysse, le périple d’Omar sera encore long et les péripéties multiples, avant qu’il puisse rejoindre le petit port anglais. Car quand il ouvre les yeux, le naufragé n’est pas en Cornouailles mais sur l’île de Lilliput. Comme dans l’œuvre de Swift, les habitants lui réservent un accueil hospitalier, lui offrant le gîte, le couvert et des vêtements. Pour cause : ils le prennent pour le descendant de l’Homme Montagne, Gulliver, lui-même échoué sur l’îlot trois cents ans plus tôt. Les lilliputiens ont maintenu vivante la langue de Shakespeare et la parlent tous, en plus de leur propre langue.

Comme dans le roman de Swift, ils vivent dans une parfaite harmonie jusqu’à ce qu’une dérisoire histoire d’œufs à la coque mangés par le bout rond ou le bout pointu crée le chaos. Et comme son illustre prédécesseur, Omar doit œuvrer pour que tout rentre dans l’ordre.

La preuve que le texte de Swift a encore beaucoup de choses à nous dire. Qu’ils s’appellent Gulliver ou Omar, ceux qui débarquent suppliants sur nos côtes méritent notre amitié. Comme le dit simplement l’exergue : « Ne soyez pas inhospitaliers envers les étrangers, ils pourraient être des anges déguisés ».