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Les coups de cœur d' Enfantillages !

Tout nouveau tout beau

Mai 2021

Et aussi sur anchor, apple podcast, spotify etc

Roman graphique

Mari Moto

De Dorothée de MONFREID * , éditions du SEUIL JEUNESSE,  dès 7 ans.

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Aller chercher du pain seule à vélo ? Non mais ça va pas ? C’est bien trop dangereux pour une enfant de dix ans, selon les parents super protecteurs de Mari !  S’ils savaient ce que la fillette à lunettes nous raconte, dans le carnet qui est devenu ce roman graphique, ils auraient une crise cardiaque. Mari était chez sa mamie Baba quand l’ouragan a tout dévasté. Plus de toit, ni réseau ni téléphone, et impossible de prendre le vélo, bizarrement exilé par l’orage dans un arbre, comme dans un tableau surréaliste. Pas âme qui vive à moins de douze kilomètres et la moto de Baba, rouge vif, qui fait de l’œil à Mari dans le garage. Elle n’hésite pas une seconde. Sa grand-mère, anticonformiste et fumeuse de pipe, ne lui a-t-elle pas appris les rudiments de la bécane ? Béquille, accélérateur, voici Mari à fond les manettes sur les routes inondées. Pas un chat pas une vache, dans le paysage dévasté. Le cœur de Mari bat si fort qu’elle n’entend pas le bruit du moteur. Foncer, foncer sans déraper entre les flaques et les arbres arrachés pour trouver du secours direction : la station-service, la gare, le restau. Mais tout n’est que chaos. Les adultes, sauf Baba, sont complètement dépassés. Mari, elle, révèle sa vraie nature. Elle est une héroïne, et consigne ses hauts faits dans son cher cahier. On retrouve l’humour à la fois tendre et vif de Dorothée de Monfreid pour dépeindre cette folle aventure de Mari, petite sœur d’Esther à laquelle on souhaite le même succès que l’ado de Ryad Sattouf.

Retrouvez l'interview de Dorothée de Monfreid dans Enfantillages !.

Album

Toutou Toc-Toc - La Photo, Le Trampoline, La Guéguerre

D'Edouard MANCEAU, éditions ALBIN MICHEL, dès 3 ans.

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La photo, Toutou Toc-Toc, on a dit la photo, pas la moto ! Bon, ce cabot lunaire n’a pas inventé la poudre… A moins qu’il soit juste distrait à la façon d’un professeur Tournesol, version canidé. Quand il saute sur le trampoline, il s’absente aussi, au sens propre, laissant ses camarades de jeu désemparés et le lecteur scotché. Pimpin son copain a choisi de le rendre chèvre à force de répéter tout ce qu’il dit. Quelle joie de rencontrer un petit personnage assez border line pour piquer la curiosité mais assez familier pour qu'on puisse s’identifier !

Roman

Ann de Green Gables

De Lucie Maud MONTGOMERY, traduit de l'anglais (Canada) par Hélène CHARRIER, éditions MONSIEUR TOUSSAINT LAVENTURE, dès 13 ans.

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Ils attendaient un orphelin pour les seconder dans les travaux de la ferme et voici que c’est une étrange fillette aux cheveux de feu, maigre, menton pointu et visage constellé de taches de rousseur, qui descend du train. Marilla est prête à la renvoyer dans son orphelinat de la Nouvelle-Ecosse. Mais son frère Matthew a déjà succombé à la fillette terrorisée à l’idée d’y retourner : «  il y a si peu de place pour l’imagination là-bas – on en trouve seulement dans les autres enfants ». Justement, l’imagination, la fillette fantasque en déborde. Cet arbre penché sur la route n’évoque-t-il pas une mariée avec son voile blanc en dentelle ? Regarder la forêt fait naître en elle « une drôle de douleur, mais une douleur agréable ». Les érables sont selon elle « des arbres si sociables qu’ils passent leur temps à bruisser et à nous murmurer des choses ». Et comment ignorer qu’il faut donner un nom aux géraniums car ils se sentent blessés d’être toujours appelés par le nom de leur espèce. « Vous n’aimeriez pas qu’on vous appelle « femme » à tout bout de champ », raisonne-t-elle.  Marilla lève les yeux au ciel à chacune des saillies excessives et involontairement drôles de ce Proust en jupon, épris de beauté et de romanesque. L’enfant passe de l’extase aux abîmes du désespoir, et abreuve qui veut, jusqu’à plus soif, de la description précise et imagée de ses moindres émotions. Comme l’austère communauté de l’Ile-du-Prince-Edouard, le lecteur s’attache à cette intarissable pipelette qui poétise tout. Ann de Green Gables, rédigé il y a plus de cent ans, traduit en trente-six langues et vendu à plus de cinquante millions d’exemplaires dans le monde, arrive enfin en France. Le texte dégage un puissant charme suranné et vintage, et ce destin féminin a conservé une fraîcheur et une force intactes.

Album

Gloups (histoire vraie)

De Judith CHOMEL, éditions de L'ATELIER DU POISSON SOLUBLE, dès 3  ans. 

Lili a huit ans, un iguane, une grand-mère contorsionniste, un père cordon bleu et une mère exploratrice. Lili, elle, est une collectionneuse de trésors. « J’observe, je récolte, j’analyse, je classe, je trie… j’inventorie ». C’est tout un art. Jusqu’à ce qu’un boulon, pièce d’exception, se retrouve fortuitement dans son estomac. Gloups ! Quel voyage va-t-il accomplir dans son organisme ? L’imagination de l’enfant le voit peuplé de toucans et de forêt vierge, à moins que ce ne soient des fonds abyssaux aux féroces créatures. La folie douce de l’album est au diapason : une référence à Max Ernst par-ci, une autre à Hokusai par-là, collages, tirages d’époque colorisés, dessin, typo déjantée, tout est beau et barré, délicieusement arty.

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Album

Comme si de rien n'était

De Richard MARNIER, illustré par Stéphane NICOLET, éditions ORSO, dès 6 ans.

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La folie meurtrière des hommes en guerre versus la beauté et la permanence de la nature, est un topos de la littérature. Pâle dans son lit vert où la lumière pleut, le dormeur du val a froid avec ses deux trous rouges au côté droit. Ce bel album réinterprète le motif à hauteur d’enfant, déroulant le contraste, oiseaux, soleil, enfants, au milieu des balles qui sifflent et des explosions, jusqu’à la dernière double, saisissante.

Album

Ours à New York

De Gaya WISNIEWSKI,  éditions MeMo, dès 7 ans.

« Il existe des villes où l’on a l’impression de flotter. Il s’y trouve des gens qui s’y sentent transparents… ». Quelle hypnotique entrée en matière pour cet album qui parle des rêves d’enfants que nous avons abdiqués ! Petit, Aleksander voulait devenir dessinateur. Aujourd’hui, il porte un costume et survit dans un travail qui l’ennuie. L’ours dont il recouvrait ses carnets de croquis se rappelle à son souvenir. « Combien de temps vas-tu encore faire semblant ? » ? La ville qui ne dort jamais, si évidemment graphique, si propre à emballer nos imaginations, ici croquée en noirs et gris, est le décor parfait pour remettre en question radicalement le sens de sa vie et cesser de s’entêter à ignorer celui/celle qu’on aurait aimé être.

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Livre-disque

Comme tu regardes le ciel étoilé

De Fabrice MELQUIOT *, mis en images par Jeanne ROUALET, mis en musique et chanté par POLAR

éditions LA JOIE DE LIRE, tous âges.

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Un renard figé au bord de la route, un thé à la menthe, les gens qui nous manquent, longue est la liste des « jolies choses », titre du premier  morceau de Comme tu regardes le ciel étoilé. Le dramaturge et metteur en scène Fabrice Melquiot s’associe au chanteur et compositeur Polar et à la graphiste Jeanne Roualet pour livrer un album-concept aux partis pris graphiques et musicaux à mille lieues des productions cucul concons qui persistent à prendre les enfants pour ce qu’ils ne sont pas. Un rhinocéros a perdu sa corne, un immense bouquet sort d’une cheminée, côté sons, on est à mi-chemin de Bashung et de Joy Division. Un père peine à comprendre que « les enfants passent ». Son fils, « le roi du système colère » n’a plus un an et demi. Sa fille est une panthère, plus Mowgli qu’Emilie Jolie. Dédié aux enfants, aux parents et « aux adultes sans enfants, mais pas sans enfance », ce livre-disque a la jolie prétention de devenir un ami inattendu. « Rêve rêve mon enfant/… Je suis ta sentinelle/J’attraperai tes rêves».

* Retrouvez la chronique sur Ils lisaient de Fabrice Melquiot dans Enfantillages !. 

Illustration de fond : Jeanne ROUALET, dans Comme tu regardes le ciel étoilé.

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