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Les coups de cœur d' Enfantillages !

Tout nouveau tout beau

27 janvier 2021

Et aussi sur anchor, apple podcast, spotify etc

Si  traduire, c’est trahir qu’est-ce qu’adapter une œuvre pour la rendre accessible à un jeune public ? Passage en revue de quelques livres plus ou moins cultes qui ont changé de forme

Retrouvez la chronique de Rémi Mon livre préféré sur Chasseurs de livres de Jennifer Chambliss Bertman (PKJ).

Il

Roman graphique

Elise

De Fabian MENOR, éditions LAJOIE DE LIRE, dès 8 ans.

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Très différent du Baron perché de Claire Martin, voici un autre exemple éclatant du talent de la jeune génération de dessinateurs : Elise de Fabian Menor, qui est aussi un travail de fin d’études. Dans une épure de noirs et blancs, ce roman graphique parle de l’enfance maltraitée et de la difficulté de faire entendre sa vérité. Elise l’écolière est sadisée par une institut’ toute-puissante à la gifle facile. Chaque jour, on doit la saluer en lui demandant pardon. Au coin à genoux, forcée de porter à bout de bras pendant des heures de lourdes encyclopédies, l’enfant endure toutes les humiliations. On est à l’après-guerre, la parole de l’adulte est sacrée et tous pensent que la meilleure éducation passe par de dures punitions. Mais la frêle silhouette finit par imposer sa voix. Elise est d’autant plus fort que les scènes les plus dures alternent avec d’intenses fulgurances de bonheurs minuscules, l’amour d’un chien, un petit-frère qui se rêve en shérif, une limace apprivoisée, où se niche la résilience.

Bande dessinée

Le Bus 666

De Colin THIBERT, Sylvie NORDHEIM et Edith CHAMBON, éditions THIERRY MAGNIER, dès 10 ans. 

Dans la vie, faut-il vraiment y voir clair ? Les myopes doivent-ils mettre leurs lunettes ? Pas selon Chloé qui préfère voir le monde en flou. C’est certes plus poétique mais aussi plus dangereux. Car cette fois, la collégienne aurait dû écouter les conseils de maman : si elle avait docilement porté ses besicles, elle ne serait pas montée par erreur dans le bus 666 – le chiffre du diable - et si elle avait refusé les bonbons d’une inconnue, elle n’aurait pas été vendue par une atroce sorcière au marché de Witchmarket ! Le Bus 666, titre du roman à présent adapté en BD, nous embarque dans une virée horrifique affreusement exquise et ultra référencée avec zombies et morts vivants, dans les meilleurs spots gothiques, antre du comte Dracula, mines de Lucifer ou château hanté des Highlands. Chloé est prête à vendre son âme au diable pour rentrer mais le chauffeur du bus, bon gars sous ses dehors de squelette, va l’aider. Le sujet, vraiment dark, contraste avec le style quasi enfantin de la BD, comme hâtivement croquée au crayon par Chloé.

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Album

Crocky

D'Estelle BILLON-SPAGNOL, éditions GRASSET JEUNESSE, dès 3 ans.

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Et « Crocky féroce visiteur du grand bois »,  est-il à la hauteur de sa réputation de super méchant ? Au panthéon des peurs que le poussin Piouh se repasse le soir dans son nid euh son lit, Crocky la bestiole fantasmatique censée raffoler de « ragoût d’oiseau tout jaune » occupe une place de choix, devant « le noir silencieux… le noir bruyant… les ombres… les mouches et les piqûres de guêpe ». Un jour pourtant, flanqué de ses deux acolytes Guernoule et Coxi, Piouh trouve la force de s’approcher du monstre légendaire. Résultat : vu de près, Crocky est plus proche du chamallow que du prédateur sanguinaire et Piouh s’en fait aussitôt un ami. Un carpe diem version kawaï à fondre de candeur et de bonne humeur.

Roman

L'Age du fond des verres

De Claire CASTILLON, éditions GALLIMARD JEUNESSE, dès 10 ans.

Avec beaucoup de réussite, Claire Castillon se glisse dans la peau d’une jeune pré-ado qui découvre les codes du collège. Sa nouvelle meilleure amie Cléa, franco-japonaise bien plus dessalée, guide ses pas dans « ce qu’on doit faire ou pas ». Exemple de do’s et don'ts :

«  impérativement commencer à faire la tête à ses parents régulièrement », s’asseoir près des garçons mais les dédaigner ostensiblement, et surtout, surtout, ne plus jamais jouer dans la cour de récré.  Le problème de Guilène, ce sont ses parents. Ils sont vieux. Jusqu’à présent, les « taches partout sur les mains » de sa mère, le bedon et les chaussons de son père, leur Scrabble et leurs Quality Street passaient. Mais là, elle se retrouve comme « coupée en deux » quand elle les compare aux parents des autres. Ils sont tous vaguement mannequins, stylistes culinaires vegans ou bossent dans la musique. Ils jouent à la Wii ou font la Une dans leur loft dépouillé à la Marie Kondo. Guilène réalise que ses parents feraient des grands-parents géniaux, « joyeux, gentils et bons vivants » mais des parents, vraiment, non. L’Age du fond des verres du titre, on s’en réjouit, à la cantoche, s’il est le plus élevé possible mais dans la vraie vie, dur dur d’assumer des parents vintage. L’auteure excelle à dépeindre cet âge où « tout s’enclenche, tout s’entraîne, tout se transforme ». Sa galerie de personnages est tordante, l’odieuse prof de maths qui exècre ses « pauvres nuls » d’élèves, les pestes de la récré futures stars de comédie musicale ou l’amoureux transi adepte de phrases creuses et de fromage. « La classe de sixième, c’est brutal et c’est fort ». C’est drôle aussi, quand on y repense.

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Bande dessinée

Chroniques de San Francisco

D'après Armistead Maupin, d'Isabelle BAUTHAN et Sandrine REVEL, éditions STEINKIS, dès 15 ans. 

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Retour en Californie mais très différemment du livre chroniqué par Rémi, avec les Tales of the City d’Armistead Maupin adaptées en BD. On y découvre par les yeux de Mary Ann, fraîchement débarquée de son Ohio natal et accueillie à Barbery Lane par l’excentrique Mme Madrigal, avec un énorme joint en provenance directe du jardin, un mode de vie incroyablement libéré. Les répliques du Summer of love avant les ravages du SIDA vues par un livre culte témoin de l’explosion de la contre-culture LGBT.

Roman graphique

Beethov sur Seine - Une année avec l'orchestre

De Chloé WARY, éditions STEINKIS, dès 13 ans.

« Ma pote m’a dit : Meuf !/Démocratiser le classique,/C’est une mission inédite ». Comment une illustratrice totalement néophyte peut-elle toucher du doigt et restituer le mystère de la création musicale, cette « révélation » comme la présentait lui-même Beethov, ce «  gars énervé… aux sourcils froncés » et à l’ « air en colère », qui voulait « ouvrir la musique, viscéralement » ? Comme pour beaucoup qui ne sont « pas du même monde », la connaissance que Chloé Wary avait du fougueux sourd se résumait à la reprise de la Lettre à Elise par le rappeur Nas ou à la Sonate au Clair de lune d’Alicia Keys. Alors, pour écrire Beethov sur Seine, elle a passé une année à la Seine musicale, avec Insula orchestra et sa cheffe Laurence Equilbey en plein montage d’un spectacle total autour de la Pastorale. Cette bd est le journal de ce work in progress. Comme on s’en doute, l’art ardent, sensoriel et engagé de l’impétueux Romantique, a raison des préjugés de l’auteure et à la fin, ses oreilles – et les nôtres ? - « réclament leur dose ».

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Livre disque

Moby Dick

De Herman MELVILLE, adapté par Stéphane MICHAKA, illustré par Julion ROELS, musique de Fabien WAKSMAN, orchestre de Radio France, sous la direction de Debora WALDMAN, réalisation de Cédric AUSSIR, coédition GALLIMARD JEUNESSE/FRANCE CULTURE, dès 7 ans. 

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Le chef-d’œuvre de l’écrivain baleinier est adapté en concert-fiction. Le jeune Ismaël, ancien instituteur, s’engage sur le Péquod du cruel Achab. Le capitaine au visage de crucifié et à la jambe d’ivoire poursuit de sa haine un cachalot blanc, « dieu empanaché et scintillant » qui émergea des flots, lors d’une chasse précédente, pour le mutiler. Aveuglé par l’hubris de sa soif de vengeance, il mènera l’équipage vers une mort certaine. Les soixante musiciens de l’orchestre de Radio France jouent la musique épique de Fabien Waksman, écrin pour ce texte dit par sept comédiens où

«  le mystique Océan est l’image visible de l’âme bleue ».

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