Mai 2021

Quand deux déesses se disputent, c’est grave ! Ici, la déesse grecque de la sagesse, Athéna, s’oppose à Lyssa, la divinité de la colère. De leurs empoignades est né Kilan, adolescent au caractère bouillonnant. Démocrite n’a-t-il pas dit que « le caractère d’un homme trace son destin » ?

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Ses caprices retentissants horripilent tant l’Olympe que Zeus décide de l’exiler sur Terre. Mission pour le jeune dieu impétueux écartelé entre ses mères : apprendre à dompter son impulsivité afin de regagner son jeton à la table des Immortels. Pour l’aider dans sa quête, la déesse aux yeux pers, protectrice, déjà, d’Hercule et de Jason, a confié à fiston une chouette du nom de Minerve. Son autre génitrice, Furor pour les Romains, l’a pour sa part doté de témérité et d’une épée que lui seul peut soulever. La trouvaille drôlissime est que Minerve la chouette aux « yeux-de-chevêche », selon l’épithète homérique en hommage à sa perspicacité dans les ténèbres de la nuit et de l'ignorance, parle comme un philosophe  (« On mesure la vitalité d’une âme à son appétit de vivre », «  La voie de la sérénité est pavée de colères surmontées »…). Mais aussi qu’elle est loin d’être un pur esprit : c’est un estomac sur pattes, au ventre éternellement gargouillant.

Voilà pourquoi la lecture de Kilan est passionnante et pleine de surprises. C’est une véritable superproduction hollywoodienne où l’on passerait, selon les plans, du grotesque au sublime, du comique au tragique, en passant par l’épique et l’horrifique. Ici des scènes de ripaille orgiaques, là le bruit et la fureur des batailles aux mille figurants, ensuite de douloureuses introspections shakespeariennes sur le pourquoi et le comment de la vie humaine, plus loin encore l’épouvante de morts-vivants éplorés. De l’action, de l’émotion ! Tous les registres sont exploités !

Quand il atterrit sur Terre, Kilan commence par se frotter les yeux devant « la beauté de ce monde ». Il est admiratif de « la vie [qui] palpite partout où le regard se pose » et les questions fondamentales, sans doute soufflées par la sage Athéna, tracent leur chemin en lui : « T’es-tu déjà demandé pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien ?... Pourquoi tout ça existe ? ». Mais bientôt, les réflexions qu’il essuie rappellent à son souvenir les gênes irascibles de Lyssa. Tel Obélix, persuadé d’être « tout juste un peu enveloppé » et qui ne supportait pas qu’on le traite de « gros », Kilan, démarre au quart de tour quand on lui reproche d’être colérique. « Je. N’ai. Pas. MAUVAIS CARACTERE ! » rugit-il avant de distribuer les mandales comme un running gag. Mais le burlesque ne tarde pas à laisser la scène aux âmes tourmentées en proie au fatum le plus noir. Haine fratricide au sommet, mort d’une infante : «  je ne sais pas quelle douleur est la plus atroce : celle du fer dans la chair ou celle de la trahison ? », s’écrie un personnage qui paraît issu d’une tragédie.  

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Chronos, le dieu-Temps implacable, des satyres, des cyclopes, des hommes-taureaux cauchemardesques, l’horrible marchandage du passeur Charon sur les bords du Styx, un siège interminable au pied d’une muraille fortifiée, la démesure des hommes qui cause forcément leur perte sous l’œil sévère de la sybille prophétesse écartant les bras et clamant : «  Les dieux vous observent ! »… Les passionnés de Grèce antique vont adorer.

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Comme suggéré en fin de volume à la façon des réclames pour comics : « Ne manquez pas la prochaine aventure de Kilan ».